Theodora ne sait pas l'heure qu'il est. Mais, en tournant la tête, elle voit que tous les Serdaigle dorment. Il doit être assez tard. Elle va se rendormir, elle va essayer. Sauf qu'elle n'y arrive pas. Elle déteste se retourner dans son lit encore et encore. Elle se lève, elle attrape cinq bouquins au hasard, il fait trop sombre pour qu'elle puisse percevoir le titre des livres. Elle passe devant la salle commune des Gryffondors - souvent rempli de sang-de-bourbe - et elle s'assoit sur les escaliers et jette un oeil un livre. Le premier est celui d'étude des moldus, elle le balance à quelques mètres avec mépris. Qu'est-ce qu'elle peut détester cette matière! Elle la révisera, mais plus tard. Quand elle se réveille au milieu de la nuit, elle préfère réviser quelque chose qui l'intéresse, qui ne lui donne pas envie de commettre un meurtre. Elle ramasse un deuxième parmi sa pile. Métamorphose. Voilà qui est déjà plus intéressant - même si rien ne vaut les potions - elle l'ouvre, lit les mots, les sortilèges et les enregistre. A la fin de l'année, elle passera ses ASPICs et il est hors de question qu'elle les rate. Elle ne sait pas encore ce qu'elle fera après Poudlard, elle se sent trop jeune pour prendre une décision aussi importante que celle qui décidera de quoi sera fait son avenir. Elle entend des pas derrière elle. Un Gryffondor ou un Serdaigle ou une Professeur qui veut la remettre à sa place. Elle n'a pas envie de parler ou de se faire engueuler. En cet instant précis, elle veut tenter de ne pas rater ses études. « Celui qui est derrière moi ferait mieux de dégager. » Elle est comme ça Theodora. Quand elle ne veut pas parler, elle le dit honnêtement, c'est une machine à vérité qui ne plait à personne. Elle s'en fiche, elle ne veut pas mentir ou manipuler, elle préfère être sincère même si ça signifie être désagréable. Elle se retourne doucement. Si ça n'a pas bougé, c'est mort. Si c'est un Professeur, c'est elle qui est morte. Elle attrape sa baguette, pas en manque d'aventure mais il est déjà arrivé qu'un élève en poignarde un dans le dos. Ce n'est pas vraiment le genre des Gryffondor ou des Serpentard mais il y a toujours des élèves qui ne semblent pas être en accord avec les pensées et agissements des autres élèves de leur maisons. Theodora semble faire partie de ceux-là, sauf quand elle ouvre un livre. « Ah, Asha. » Theodora n'a pas encore décidé si elle aime voir Asha ou non. Elle ne sait pas comment mais quelque chose se rapprochant de l'amitié s'est crée entre elles. Theodora n'est pas du genre à fréquenter des sang-de-bourbe. Elle préfère les insulter. Personne ne sait qu'elles se fréquentent. C'est une amitié secrète et dont Theodora veut garder le secret. Il est hors de question que ça s'ébruite. Si Asha vient à en parler, Theodora n'apprécie pas et quand elle n'apprécie pas, ça peut mal se passer. Mais, étrangement, elle fait confiance à Asha pour rester silencieuse. C'est peut-être une erreur, elle se le dit souvent, mais elle en prend le risque.  Certaines personnes sont terriblement mal née. Asha en fait partie.

Theodora, c'est cette fille qu'il faut pas aller chercher parce qu'il va falloir s'attendre à la trouver. Et il faut le dire, il vaut mieux la compter parmi ses amis que ses ennemis. Juste que la simple remarque, le moindre petit problème peut la rendre violente. Elle n'est pas toujours d'une extrême douceur, il faut bien l'avouer. Mais elle n'est pas non plus la pire des pestes même si elle n'y est probablement pas loin. Theodora, elle a cette réputation-là et veut la garder. Elle veut pas qu'on se mette à croire qu'il y a une gentille et douce Theodora parce qu'il n'y en a pas. Ou qu'il y en a une qui apprécie des sang-de-bourbe. Parce qu'il n'y en a pas. Sauf pour Asha. Mais Asha, c'est un cas spécial. Theodora ne sait pas si elle saurait dire pourquoi elle est tant spéciale à ses yeux mais elle est convaincue qu'elle l'est. Ça l’énerve cette amitié qui doit secrète, qu'elle a décidé qu'elle devait rester secrète. Un secret, c'est fait pour être découvert, sinon ça n'a aucun intérêt. Mais l'idée de la découverte du sien lui donne envie de vomir. Alors, elle fait tout pour le cacher jusqu'à ce que la terrible vérité éclate. Elle a beau apprécier Asha, elle n'oublie jamais ce qu'elle est et sera toujours, une sale sang-de-bourbe bien que Theodora ait du mal à la voir comme ça. C'est pas cette étrange amitié qui va l'empêcher de dormir. Peut-être pas, en fait. Elle n'en sait rien. Elle ne sait pas pourquoi elle se réveille au milieu de la nuit, elle pense pas que ce soit à cause d'Asha, ça lui parait ridicule. Asha n'a pas à troubler son sommeil. Une sang-de-bourbe n'a pas à troubler son sommeil. Et puis, voilà qu'elle est là, la Asha. Theodora n'a pas le réflexe habituel de regarder s'il y a quelqu'un d'autre autour d'elles parce que, vu l'heure, il y a clairement personne. Et s'il y avait quelqu'un, elle le tuerait, ou voudrait le tuer plutôt. Le meurtre ne fait pas partie de ses habitudes, étrangement. L'agressivité de Theodora n'est pas un secret. Pourtant, elle hausse les épaules comme si elle n'en était pas convaincue. Elle se fiche, en fait, bien de l'être. Si elle arrivait à dormir, elle ne serait pas là. « Non, je peux pas. » Son frère-jumeau serait tellement furieux de la voir avec une sang-de-bourbe. Il ne le saura jamais, bien sûr mais c'est évident que cette éventuelle découverte inquiète Theodora. Ils ont toujours été pareil, en accord avec tout. Et c'est une sang-de-bourbe qui détruirait cette amour? « Il y a trop de trucs qui se remuent dans ma tête pour que je puisse fermer l'oeil, je crois. » Asha, son jumeau, ses parents qu'elles méprisent, ses autres frères et sœurs qui ressemblent à des inconnus, les garçons, les ASPICs, son avenir dont elle ne sait pas quoi faire. Bref. Elle a de quoi penser. C'est pas sa première nuit blanche et probablement pas sa dernière. Sa tête va surement finir par exploser. Mais ça, elle ne va pas le confesser à Asha. Ca ne la regarde pas. Ca ne regarde personne.