Couper en fine lamelles l'échantillon de peau de serpent. Ecraser jusqu'à l'obtention d'une poudre fine. Ajouter l'ingrédient au mélange. Tourner la potion dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Faire bouillir pendant huit minutes. Vérifier la température tout en mélangeant. Tant de consignes pour une même potion. Remy peinait à obtenir cette couleur grisâtre tant attendue, et savait pertinemment bien qu'importe sa motivation et son acharnement, sa note ne serait pas glorieuse. Elle ne détestait pas les potions, bien au contraire, cette matière aurait pu lui plaire. Si seulement elle pouvait comprendre ne serait-ce la moitié du cours. En début de scolarité, elle avait montré de belles aptitudes, mais malheureusement, cette aisance s'était rapidement dégradée, et en septième année, elle avait tout juste la moyenne en potions. Elle n'appréciait pas vraiment le professeur Rogue non plus, et cela n'était pas favorable à la réussite. Il était trop étrange à son gout, trop coincé. Etait-ce donc si compliquer d'adresser un sourire à un élève motivé et sérieux, ou bien le féliciter ? Etait-ce donc si difficile de montrer ne serait-ce un minimum d'enthousiasme ? Et de jour en jour, il était de plus en plus difficile pour Remy de se rendre dans ces lieux lugubres et humides qu'étaient les cachots. Ca manquait d'action. Remy comptait bien ce charger de cela. Niveau farces, la Goldstein n'était vraiment pas la dernière, et aujourd'hui, sa voisine de classe, plutôt naïve et espiègle, serait sa nouvelle victime. Rien de méchant, qui ne lui apporterait pas de gros ennuis. Quelques lignes à copier, tout au plus. Ou du moins, d'après ses estimations absolument pas réfléchies. « Jane, tu pourrais me prêter une plume s'il te plait, la mienne vient de se casser. » Elle jouait bien la comédie. Remy n'était pas de nature menteuse. Simplement farceuse. Sans hésiter une seule seconde, la dénommée Jane se pencha pour prendre une plume dans son sac. Sa potion semblait si bien démarrée, Remy hésita un instant. Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres. Après tout, ce cours était définitivement bien trop ennuyant. Elle jeta un tas d'ingrédients, pris complètement au hasard, dans la potion de sa voisine, et mélangea vivement, faisant gicler quelques gouttes sur Jane. « Qu'est-ce.. » Et le chaudron explosa. Les élèves sursautèrent. Jane accusa aussitôt Remy, morte de rire sur sa chaise. Rogue s'énerva. Lui attribua une heure de retenue. Elle contesta, défendant le fait qu'elle ne l'avait absolument pas fait exprès, qu'il ne s'agissait que d'un simple accident. Deuxième heure de retenue, justifiée par un manque de respect envers l'enseignant. Et Remy, avec sa farce, y passerait sa soirée.

Six heures. Le soleil se couche et le léger vent automnale balaye le visage de Remy, qui avance d'un pas lourd dans les couloirs du château, se dirigeant le plus lentement possible vers la volière. Si elle a l'habitude d'être collée, jamais elle n'avait dû nettoyer des excréments de volatiles. De plus, se retrouver seule pendant deux heures, au milieu d'un troupeau de chouettes, ne l'enchante absolument pas. Dernière marche d'escaliers. Elle l'aperçoit, de l'autre côté de la vaste pièce d'extérieur. « Bordel. » Elle eut presque envie d'exploser de rire. Julian. Collé. Dans la volière. En même temps qu'elle. A croire que le sort s'acharnait sur les deux adolescents. « Moi aussi, ça me fait très plaisir de te voir. » Cracha-t-elle d'un ton ironique, dans lequel on pouvait lire tout le dégout, toute la rancoeur qu'elle ressentait à l'encontre du garçon. L'année passée, ils avaient connu une belle histoire d'amour, qui avait duré près de quatre mois. Belle, aux yeux de Remy. Elle était follement tombée amoureuse du charme incontestable de Julian. Il fallait dire que le Crawford était un garçon très populaire dans l'établissement ; riche et issu d'une lignée très noble, toutes les jeunes filles à la recherche d'une quelconque gloire étaient toutes derrière lui, à espérer pathétiquement d'être celle qu'il choisirait. Remy ne l'avait pas vu ainsi. Elle avait appris à le connaitre. Et petit à petit, elle était tombée amoureuse. Tombée. Elle avait beaucoup souffert de la séparation inattendue, en fin de sixième année. Et aujourd'hui encore, elle ne comprenait pas les réelles raisons qui avaient poussé Julian à la quitter. Elle lui en voulait terriblement. « Je rêve. Tu me suis partout. Tu as un problème Remy, vraiment. Tu devrais aller voir madame Pomfresh. » Elle esquissa un faible sourire moqueur. Elle comprenait très bien à quoi voulait faire allusion Julian. Le cognard. Deux jours auparavant, elle l'avait blessé à l'avant-bras en lui lançant violemment un cognard dessus, au Quidditch. Elle ne l'avait vraiment pas fait exprès. Elle ne le faisait jamais exprès. Mais ironie du sort, il avait fallu que ce soit Julian. Qu'il pense qu'elle était assoiffée de vengeance. Qu'il commence à la croire complètement cinglée. Au fond, s'il avait peur, c'était tant mieux. « Ton bras va mieux ? Je suis sûre que madame Pomfresh a dû arranger tout ça.. » Voix dénuée d'un once de méchanceté. Choix stratégique. Si Remy était une personne très sympathique, elle pouvait s'avérer être très vicieuse, lorsqu'elle n'apprécie pas une personne, ou lui en veut beaucoup. C'était exactement le cas de Julian. Ce dernier recula en la voyant approcher, elle ria. « Que ce passe-t-il, Crawford ? Aurais-tu peur d'une fille, Poufsouffle, sang-impur ? Quelle blague ! » Poufsouffle, sang-impur. Les deux raisons injustifiées que le garçon lui avait exposée en guise d'explication, pour s'en débarrasser. Ainsi, elle remettait sur le tapis le sujet délicat, qu'elle ne parvenait pas à oublier. Pourquoi.

Imprévisible. C'était ainsi qu'il la voyait. Imprévisible, et rancunière, en plus de cela. Au fond, cela peinait beaucoup Remy. Elle aurait voulu rester dans de bons termes avec Julian, elle aurait voulu que tout se finisse bien. Elle l'avait tant aimé, après tout, mais il l'avait tant blessée, vexée, déçue. Elle avait été touché en plein dans son orgueil et sa fierté. Et ça, ce n'était pas vraiment pour plaire à Remy, qui malgré tout ce qu'elle pouvait affirmer, avait une fierté bien trop imposante. Coriace. Intouchable. Et tenter de l'approcher, c'était dangereux, et vraiment courageux. Au final, un peu comme Remy. Julian esquissa un sourire crispé suite au sous-entendu de la Poufsouffle quant à leur rupture. C'était un peu l'effet qu'elle voulait produire. Elle n'arrivait pas à comprendre ce mélange de gêne et d'énervement qu'elle pouvait lire sur le visage de son ancien petit-ami lorsqu'ils abordaient le sujet. Que cachait-il ? Car il y avait forcément une explication. Elle ne concevoir le fait qu'elle n'avait été qu'un simple amusement pour le jeune homme, un jeu, une poupée, un moyen de se changer les idées. Elle ne pouvait le croire. Julian était plus intelligent que cela, et si toutefois il avait simplement d'une fille à son bras, il y en avait tant d'autres dans le château. Pourquoi donc choisir une jaune et noire, de sang-mêlé, sachant que toutes les princesses de nobles lignées de sang-pur étaient, pour la plupart, totalement libres, et au fond, n'attendaient que ça ? Au fond, plus Remy y pensait, plus elle trouvait leur relation passée complexe et inexplicable. Ils n'avaient rien à faire ensemble, complètement différents, tous les opposaient. Il était de sang-pur, elle de sang-mêlé, et leurs idéologies n'étaient pas vraiment en accord. D'ailleurs, Remy était persuadée que si toutefois Julian avait révélé leur liaison à ses parents, ces derniers n'auraient pas totalement été ravis.. Remy avait de nombreuses fois entendu parler des Crawford. Riches et influents, et ce à chaque nouvelle génération. Comme si l'histoire se répétait, à chaque fois. Ils occupaient des places importantes au Ministère de la magie, contrairement aux parents de Remy, dont la mère n'était d'ailleurs qu'une simple moldue. Et d'ailleurs, lorsque Julian prit la parole, il lui fit très bien comprendre que si ça n'avait pas pu fonctionner plus longtemps entre eux, c'était justement à cause de ces différences injustifiées. Il évitait son regard, le fuyait. Il parlait d'un ton monotone, presque comme désolé. Et lui adressa même un très mince sourire navré, lorsqu'il eut fini. Remy sut qu'elle n'en aurait pas plus de sa part, il avait fait déjà beaucoup, et le connaissant suffisamment, elle était persuadée qu'il se sentait comme idiot, à devoir expliquer à cette Poufsouffle pourquoi il l'avait vulgairement lâchée. Comme il le disait si bien, ce n'était pas possible, eux deux. « C'est pas possible parce que je suis une vulgaire sang-mêlée et toi un prince de sang-pur. » Déclara-t-elle d'une voix dénuée du moindre énervement. Elle n'était pas énervée. C'était l'heure de constater désormais, et si cela faisait longtemps qu'elle avait tiré un trait sur Julian, elle n'avait jamais digéré l'humiliation de cette rupture, le mal qu'il lui avait fait. Elle n'avait plus le choix que d'accepter, puisqu'elle était incapable de comprendre. Il venait d'un autre monde. « Je ne vous comprendrais jamais, et je ne comprendrais jamais cette haine idiote contre les nés-moldu et sang-mêlés. Mais j'ai compris que je ne pourrais pas changer les choses. Tu ne veux pas de moi, je ne veux plus de toi. On en restera là. » Conclut-elle sans réellement laisser le choix à Julian. De toute façon, ce ne serait pas lui qui relancerait le sujet, elle en était certaine. Il le fuyait bien trop pour cela. Remy était persuadée qu'il ne s'agissait pas de la seule raison, et bien qu'elle soit déterminée à découvrir ce qu'il s'agissait, elle était bien trop agacée et perdue pour insister. Julian lui annonça qu'il la laissait nettoyer la volière. Comme pour se pardonner du cognard. Elle releva la tête, haussa un sourcil. « Pour la énième fois, je ne l'avais pas fait exprès. » S'énerva-t-elle en se dirigeant vers le fond de la volière, où étaient rangés quelques balais. Rogue lui avait évidement retiré sa baguette. La tache aurait été bien plus simple, avec un sortilège. Elle commença à balayer le sol, sans aucun enthousiasme, rassemblant tout ce qui trainait dans un coin. La mâchoire serrée, en lança un coup d'oeil à Julian, qui n'avait pas bougé d'un pouce. Elle soupira en levant les yeux au ciel, puis continua. Un lourd silence s'installait. Il fallait changer de sujet. « Pourquoi t'es collé ? » Demanda-t-elle, comme pour s'intéresser.